Magnus était un écuyer des plus fidèle. Il s'était fait connaître dans tout le royaume, chose plutôt exceptionnelle en ce temps là, surtout pour une personne de son rang.
Il était entré au service de Sire Harban à son adolescence, âge auquel les jeunes damoiseaux se devaient de choisir leur voie, bien que celle-ci fusse souvent toute tracée pour les jeunes gens d’origine modeste. Au fils des années, un indéfectible lien s’était créé entre les deux hommes. Harban qui n’avait jamais eu ni épouse, ni enfant, adopta Magnus. Son âge avancé ne lui laissait que peu de temps pour former un héritier. Il lui apprit à lire et à écrire, lui transmettant patiemment son vaste savoir.
Un jour d’automne, la Faucheuse vînt prendre Sire Harban. L'écuyer fût très affecté par cette disparition, tant le lien entre les deux hommes était fort. Sur son lit de mort, son ancien maître lui avait soumis son testament, lourd fardeau qui montrait toute la confiance et l'espoir que Sire Harban avait en son fils. Quelques temps plus tard, après un deuil douloureux, il décida que le temps était venu pour lui d'accomplir son destin et les dernières volontés de son défunt père. Accoudé à une table, Magnus décida de coucher sur le papier l'histoire et le savoir de Sire Harban. Il sortit un petit grimoire ainsi qu'une longue plume et un encrier. A la faible lueur d'une petite bougie, il commença à rédiger tel que son maître lui-même l'aurait conté.
Une légende, une histoire, un murmure ; voici tout ce qui reste de ce valeureux groupe de seigneurs d'antan élu par les dragons. Parfois colportée de manière amphigourique par de vieux fous cherchant à soutirer quelques menues piécettes à des seigneurs en mal d’aventures ou bien encore conté par des bardes à la verve prolixe, cette épopée perpétua ainsi le mythe, des chevaliers dragons. Cependant, d’authenticité il n'en reste guère. Dès lors, laissez moi vous narrer les temps qui ont vu la naissance, la vie et la mort de l’ordre auquel j’ai eu l’honneur d’appartenir.
Ah fiers hommes que nous étions ! Accompagnés de nos montures, nos dragons, nous ne formions qu’un. Notre comportement en société était souvent interprété comme un ego outrancier, tandis que notre rectitude nous inscrivait comme des personnes orgueilleuses. Pourtant nos arts et notre savoir étaient reconnus de tous. Tout comme notre propension à défendre les valeurs de Dame Herpé. D’humeur souvent narquoise, certains de nos frères se plaisaient à courtiser les femmes de leurs ennemis par simple badinerie. Lors, les maris bafoués provoquaient nos gredins en duel. Ces derniers prenaient alors grand plaisir à ridiculiser leurs assaillants et pour peu que les cornards fussent adorateurs du dieu Boulait, ils s'acharnaient sur eux.
A l’époque, de noirs desseins nous avaient réunis. Nous devions faire face à une menace des plus conséquente. Une puissance que nul ne pouvait décrire tentait d'amener le monde, non pas vers le chaos, mais vers le néant. Elle se repaissait de la haine qui sommeille en chaque être vivant. Sa force grandissait et elle eut bientôt la capacité d'engendrer les créatures les plus abominables que la terre ait pu porter.
Le jour de la confrontation arriva bien vite. Les rapports des observateurs décrivirent un paysage désolé, un sol fracturé par des failles de cent lieues vomissant nombre de créatures abominables, enfantées par cette terre devenue stérile et sans vie. Les « Noirs sans Nom », n'avaient rien de comparable aux membres de l'impressionnant bestiaire de notre monde. Elles ne hurlaient pas tel le loup-garou se préparant à la chasse, ne dégageaient pas non plus cette odeur putride si particulière aux morts-vivants. Leur attitude calme et leur démarche assurée montrait une forme d'intelligence avancée mais dénuée de toute émotion. Leur seule faiblesse semblait leur aversion pour les lieux consacrés.
L’affrontement qui s’en suivit dans les plaines de Teratia fut terrifiant, leur nombre ne faiblissait pas, et seule la puissance des dragons eu raison de cette marée montée. Cette bataille cruciale, scella la victoire de Mistrédit d’Emer. La quiétude enfin retrouvée, nous retournâmes à nos affaires courantes. Cette communauté qui avait pourtant agit sans cupidité, sans désir de pouvoir, ni gloire d'aucune sorte fut démantelée par le jeu d'une nouvelle politique qui apparut au début de l’ère des conflits. Il s’en suivit dès lors des dérives toujours plus importantes. Sournoiserie, duplicité, mensonge et trahison scellèrent le sort de nos frères. Valeureux dragons et preux chevaliers disparurent, emportant avec eux savoir et sagesse.
Prenez garde, pauvres fous que vous êtes ! Si la victoire fut totale, les forces du néant ne furent pas vaincues pour autant. Les Noirs sans Noms sont toujours là, tapis dans l'ombre, développant de nouvelles capacités, attendant leur heure. Des rapports inquiétants montrent qu'ils peuvent désormais prendre possession de l’esprit de la populace d’Aguératon, toutes couches sociales confondues, ignorant les croyances, les religions, le bien ou le mal.
Mais notre citadelle existe toujours, cachée du monde par un charme puissant. En son seing les oeufs de nos chers dragons disparus. Lorsque ce monde sera prêt à voir rejaillir notre Ordre, de nouveaux Chevaliers se présenteront et les oeufs écloront. Alors seulement la menace pourra être de nouveau écartée.
Magnus cessa sa rédaction à cet endroit précis, satisfait. Il ne pouvait être plus fidèle aux paroles de Sire Harban. Quelques larmes coulèrent sur son visage en souvenir de ce bon maître. Cet homme qui avait su se montrer si bon à son égard. Il essuya ses joues d'un revers de manche et pensa à ces hommes d'un autre temps. Il devait à présent partir afin d'accomplir la dernière volonté de son maître : faire revivre cet Ordre afin que ce fléau menaçant soit endigué. Il prépara le peu d'affaires dont il avait besoin et partit.
Il fut rapidement pourchassé puis blessé par les Noirs sans Nom. Son état de santé se détériorant, il s'abrita dans la forêt de Longthoria, lieu sacré des Grands Elfes. Il n'eut que le temps de leur confier son terrible secret avant d'achever son périple dans les souffrances les plus atroces. Le savoir des elfes fut impuissant à le sauver. Aussi, décidèrent-ils de garder ce secret et de le transmettre à leur descendance.
De nos jours. Les Noirs sans Noms sont de retour et leur force grandit à vue d'oeil. Le seigneur Gantis, héritier du savoir des Elfes de la forêt de Longthoria se vit confier pour mission la résurrection de l'Ordre. Mais auparavant, il devait retrouver la citadelle de l'Ordre. La menace devenue imminente, il devait agir vite. C'est ainsi, au cours d'un périlleux voyage aux confins des terres aguératoniennes qu'il rencontra les seigneurs Owen Glyn Dwr, Hagen, Zeas et Hawkless. Ceux-ci se joignirent à lui et voici que réapparut la fière citadelle. De nombreux travaux furent engagés, des investigations faites afin que l'Ordre et son savoir puissent de nouveau rayonner.
Finalement qu'étaient ces Chevaliers Dragons si ce n'est plus qu’une expérience, un art de vivre, une aventure, une philosophie à part entière…
Sujet: Histoire de l'Ordre des Chevaliers-Dragons 
Jeu 9 Aoû - 20:03
